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ARISTIPPE.

et de délicatesse : Si c’était là, répliqua-t-il, une chose honteuse, elle ne serait pas en usage dans les fêtes solennelles. Qu’est-ce que les philosophes ont de plus extraordinaire que les autres hommes? lui dit-on. C’est répondit-il, que, si toutes les lois venaient à s’anéantir, leur conduite n’en serait pas moins uniforme. Pourquoi, lui dit Denys, voit-on les philosophes faire la cour aux riches, et ne voit-on pas les riches la faire aux philosophes? C’est que ceux-ci, répondit-il, savent de qui ils ont besoin, et que les autres ignorent ceux qui leur sont nécessaires. Platon lui reprochait qu’il vivait splendidement. Que pensez-vous de Denys? lui demanda Aristippe; est-il homme de bien? Platon ayant pris l’affirmative : Or, poursuivit-il, Denys se traite beaucoup mieux que moi; rien n’empêche donc qu’on ne puisse vivre honnêtement en vivant délicatement.

Quelle différence, lui dit-on, y a-t-il entre les savants et les ignorants? La même, répliqua-t-il, qui est entre des chevaux domptés et d’autres qui ne le sont pas. Étant entré un jour dans la chambre d’une prostituée, et voyant rougir un de ceux qui l’accompagnaient : Il n’y a point de honte, dit-il, d’entrer dans un lieu de débauche; mais il est honteux de ne pouvoir en sortir. Quelqu’un lui proposa une énigme et le pressa de la deviner. Insensé, lui dit-il, pourquoi veux-tu que je débrouille une chose qui est obscure par la manière même dont elle est embrouillée? Il croyait que la pauvreté valait mieux que l’ignorance, puisque celle-là n’est qu’une privation de richesse, au lieu que celle-ci est un défaut d’entendement. Étant poursuivi par quelqu’un qui l’outrageait de paroles, il doublait le pas : Pourquoi fuis-tu? lui cria cet homme. Parceque tu as le droit de dire des injures, répondit-il, et que moi j’ai celui de ne les points entendre. Un autre se déchainait contre les philosophes qui assiégeaient les portes des grands. Les médecins, lui dit Aristippe, sont assidus auprès de leurs malades; cependant