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LIVRE I.

lière, et qui suffisent aux besoins des indigents et des malades. Ces plantes offrent non-seulement une nourriture variée et toujours prête, mais encore elles sont utiles à d’autres besoins de la vie. On y trouve en abondance le lotus[1], avec lequel les habitants font du pain propre à satisfaire au besoin physique du corps ; on y rencontre encore en très-grande abondance le ciborium, qui porte ce qu’on appelle la fève d’Égypte[2]. Il y croît aussi plusieurs espèces d’arbres, parmi lesquels on remarque l’arbre persique[3], dont les fruits sont remarquables par leur douceur ; cet arbre a été importé de l’Éthiopie par les Perses, à l’époque où Cambyse était maître du pays. On y rencontre aussi des sycomores[4], dont les uns produisent des mûres et les autres des fruits

  1. Le lotus dont il est ici question ne peut être que le fruit du nymphœa lotus ou du nymphœa cœrulea. Ce fruit, semblable à une capsule de pavot, contient une quantité prodigieuse de petits grains qui peuvent servir à fabriquer du pain.
  2. Le nom de Αἰγύπτιος ϰύαμος s’applique ici à la plante entière, tandis que son fruit s’appelle ϰιϐώριον (Strabon, XVII). Ce fruit, ressemblant à la pomme d’un arrosoir, appartenait au nymphœa nelumbo. Diodore de Sicile contredit Hérodote, en parlant des fèves comme d’un des aliments les plus abondants en Égypte (Voy. Hérodote, II, 37). Mais cette contradiction n’est qu’apparente. En effet, il paraît hors de doute que la fève d’Égypte, dont parle ici Diodore, appartient à une plante différente de la fève de marais, qu’Hérodote semble avoir eu en vue. Les taches noires et tristes des fleurs de la fève de marais ou ancienne fève des Grecs (ϰύαμος Ἑλλενιϰός, Dioscorid., II, 127) font évidemment reconnaître cette plante pour avoir été celle que les prêtres égyptiens croyaient impure. Suivant Pline et Varron, les taches des fleurs de la fève étaient regardées comme des caractères de deuil ; on croyait que les âmes des morts pouvaient être contenues dans les fèves, et on était dans l’usage de porter ces fruits en allant aux funérailles ; (Pline, Hist. nat., XXVIII, 12). Quant à la fève d’Égypte de Diodore (ϰύαμος Αἰγύπτιος), c’était le fruit d’une espèce de nymphœa (voy. page 11, note) qu’Hérodote a désignée sous le nom de lis ou lotus rose du Nil. Les fleurs et les fruits de cette plante se voient souvent sculptés dans les temples égyptiens.
  3. On n’est pas d’accord sur le genre de l’arbre auquel Diodore donne le nom de περσία. Il paraît toutefois certain que c’était un persica (pêcher). Suivant Delile, le περσία de Diodore est le balanites œgyptiaca, le heglug ou lébakh des Arabes. C’est un arbre de six à sept mètres de hauteur ; son fruit a quelque ressemblance avec celui du dattier ; l’amande, composée de deux lobes, est d’un blanc sale, un peu jaune, huileuse et amère. Cet arbre, aujourd’hui très-rare en Égypte, ne se rencontre guère que sur les frontières de l’Éthiopie, circonstance qui vient encore confirmer le récit de Diodore. (Voy. Delile, Flore d’Égypte, t. XIX, p. 263 de la Description de l’Égypte.)
  4. Les deux espèces de sycomore dont parle ici Diodore devaient avoir appartenu à deux genres bien différents : l’un était probablement une espèce de mûrier,