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formée d’une toque couronnée d’un rang de plumes, est ornée de fleurons semblables aux antémions si souvent employés dans les bijoux des Atrides à l’époque de la guerre de Troie. Le caractère divin de l’animal se reconnaît aux cornes placées autour de la tiare.

Les monstres de pierre, faits a l’image d’une bête fabuleuse que le légendaire Isdoubar, aidé de son serviteur Noubaïn, captura à la chasse, devinrent dès les temps les plus recules les gardiens attitrés, les génies tutélaires de tous les palais d’Orient ; aussi voit-on des conquérants, tels qu’Assour-ban-Habal, se vanter, dès le neuvième siècle avant Jésus-Christ, d’avoir renversé les taureaux ailés fixés aux portes des palais de l’Elam, «  qui jusqu’alors n’avaient pas été touchés ».

Au-dessus des ailes de l’animal s’étendent trois tablettes d’inscriptions trilingues, écrites en caractères cunéiformes ; elles nous disent que cette entrée grandiose est l’œuvre de Xerxès :

«  C’est un grand dieu qu’Aouramazda (Ormuzd) : il a créé la terre, il a créé le ciel, il a créé l’homme, il a donné à l’homme le bonheur, il a fait Khchayârchâ (Xerxès) seul roi sur des milliers d’hommes, seul maître sur des milliers d’hommes. »

«  Je suis Khchayârchâ le grand roi, le roi des rois, le roi des pays bien peuplés, le roi de cette vaste terre, qui commande au loin et auprès. Je suis fils de DlÎrayaou (Darius), roi achéménide. »

«  Khchayârchâ le grand roi déclare : « Ce portique, nommé Viçadahyu (« d’où l’on découvre «  tous les pays »), je l’ai bàti ainsi que beaucoup d’autres monuments dont j’ai doté cette «  Pai’ca, je les ai construits comme mon père les a construits, et cette œuvre magnifique «  et tous ces édifices splendides nous les avons élevés par la grâce d’Aouramazda. » «  Khchayârchà le roi déclare : « Ou’Aouramazda me protège, moi et mon empire et mon « œuvre et les œuvres de mon père ! Qu’Aouramazda les protège ! »

Au delà des piliers se trouvent les restes de cinq colonnes qui soutenaient le plafond du portique ; disposés en arrière de ces supports, deux taureaux, semblables aux premiers, dirigent leurs regards vers la montagne. Ouaml on a franchi le vestibule défendu par ces génies, témoins impassibles de la splendeur et de la ruine de la cité royale, on gravit quelques degrés et l’on pénètre dans l’apadâna de Xerxès.

L’apadâna, ou salle du trône, doit être assimilé au talar dans lequel les souverains persans donnent encore aujourd’hui leurs audiences solennelles, reçoivent les ambassadeurs ou daignent accueillir les hommages et les présents de leurs sujets il l’occasion des fêtes du iXorouz (nouvel an).

Le palais de Xerxès se composait d’une salle hypostyle à trente-six colonnes, entourée de portiques sur trois de ses faces. Les plafonds de ces portiques étaient soutenus par deux rangs de supports, que couronnaient des chapiteaux formés par la réunion des parties antérieures du corps de deux taureaux accroupis sur leurs pattes.

Sur ces colonnes reposait une charpente horizontale en bois. Les Perses, ayant adopté depuis le règne de Cyrus un ordre grêle des plus élégants, ne pouvaient, comme les Egyptiens, le charger de lourdes architraves de pierre : l’écartement des colonnes, leur faible diamètre, leur grande hauteur, les encastrements ménagés dans la pierre et destinés à loger les poutres, suffiraient à prouver ce fait, si des fragments de bois carbonisés, retrouvés il y a quelques années en fouillant le sol, ne venaient confirmer à leur tour les témoignages fournis par l’ensemble de la construction.

Toutes les pièces de la charpente étaient en cèdre du Liban, et l’on avait du, pour les transporter dans le Fars, leur faire franchir à bras d’hommes les défilés les plus abrupts de la Perse et les cols des monts Zagros, dont l’altitude dépasse deux mille huit cents mètres.