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«  Un Grec, ajoute mon mari, n’eût jamais comparé le Gabre Maderè Soleïman à une tour carrée, pas plus qu’il ne se fût contenté, pour décrire le soubassement de six gradins, d’énoncer simplement que le bas de labour était solide. D’ailleurs il eût été matériellement impossible d’enfermer dans une chambre mesurant à peine six mètres carrés les arcopbage, le lit d’or. la table avec coupe à libations, l’auge dorée propre à se baigner et la grande quantité de vêtements et de bijoux qu’Aristobule vit dans le tombeau. Où serait enfin l’inscription que les Grecs firent traduire dans leur langue ?

«  Selon moi, le Gàbre Maderè Soleïman était un tombeau de femme. Cette hypothèse étant admise, la distribution de tout l’édifice devient claire et logique : la porte extérieure faisait partie d’une haute enceinte enveloppant tout l’ensemble des constructions ; l’espace laissé libre entre la première clôture et le mur du portique était réservé aux serviteurs chargés de la garde du monument, serviteurs qui ne devaient pas pénétrer dans la cour intérieure et ne pouvaient pas même apercevoir l’édifice quand s’entr’ouvraient les portes de communication. Si on voulait entrer dans le naos, les difficultés redoublaient. La baie, tu l’as vu, était fermée par une double huisserie : il fallait donc tout d’abord rabattre à l’intérieur la porte extérieure, puis entrer dans la chambrelaissée entre les deux vantaux, fermer le premier, qui aurait fait obstacle à la manœuvre du second, et tirer alors à soi la deuxième porte.

« J’ai beaucoup pensé à la disposition topographique de la plaine de Mechhed Mourgab, aux montagnes placées autour d’elle comme une barrière infranchissable, à l’impossibilité d’entrer dans le Fars en d’autres points que celui-ci, et je suis arrivé à cette conclusion, que les ruines de Maderè Soleïman sont les débris de la ville construite par Cyrus sur les confins de la Perse et de la Médie, quand, à la suite de sa victoire sur son grand-père Astyage, ce prince devint roi des Perses et des Mèdes.

«  La plaine de Mechhed Mourgab, située en avant des gorges étroites et tortueuses qui commandent l’entrée du Fars et que l’on est obligé de franchir avant de pénétrer dans cette région en venant d’Ecbatane, était pour les Perses un champ de bataille très favorable et un point stratégique d’une telle importance, que les troupes de Cyrus durent, au prix des plus grands efforts, en disputer la possession aux armées mèdes envoyées à leur rencontre,.»

Arrivés à l’entrée des gorges, nous prenons le chemin d’hiver taillé à pic dans le rocher et nous atteignons avec beaucoup de mal un premier plateau dominé par un sommet élevé. Marcel prend quelques mesures avec son théodolite afin de vérifier la carte anglaise ; levés modernes et auteurs anciens en main, il est impossible de ne pas reconnaître, en jetant les yeux sur la plain’e de Mechhed Mourgab et les gorges du Polvar, les champs de bataille où les Perses enlevèrent aux Mèdes l’hégémonie de l’Iran. Hérodote nous a laissé un long récit des faits qui précèdentla révolte de Cyrus ; je décris d’après Nicolas de Damas les péripéties du combat.

«  Cyrus, ayant levé l’étendard de la révolte, fut mandé à la cour d’Ecbatane. Il battit le parti de cavaliers chargés de le capturer et, à la nouvelle de l’arrivée des Mèdes, organisa son armée avec l’aide de son père et d’un certain Ebare, «  homme sage et prudent, dans lequel il «  avait mis toute sa confiance ». Après avoir incendié et détruit toutes les villes placées sur le trajet que devaient parcourir les envahisseurs, il ramena en arrière la population, s’enferma dans le camp retranché et fit également fortifier et occuper les défilés des montagnes par lesquelles les Mèdes pouvaient pénétrer en Perse et les sommets qui commandaient l’entrée des passes. Au premier choc les Mèdes sont repoussés. Astyage assis sur un trône élevé domine le champ de bataille. «  Se peut-il, s’écrie-t-il, que ces mangeurs de pistaches se conduisent « avec tant de courage ! Malheur à mes généraux s’ils ne triomphent pas des révoltés. »

Cependant, accablés par le nombre, les Perses sont obligés de battre en retraite et de s’enfermer dans le camp retranché devant lequel ils combattent. Cyrus pénètre avec les