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cruelle que le roi tire d’itarpages, la composition du repas ou il n’entre que du mouton, alors que les Grecs dans leurs grands festins servaient généralement de la viande de bœuf, la précaution de faire empaler les mages dont Astyage avait eu à se plaindre, la nature de leur supplice, si ordinairement appliqué en Assyrie, donnent à l’histoire de la révolte de Cyrus un caractère de vérité surprenante. La version d’Hérodote doit nous inspirer d’autant plus de confiance que cet historien est le seul qui nous ait laissé une généalogie de Cyrus confirmée par la lecture du grand texte de Bisoutoun.

A peine peut-on lui reprocher de faire de Cyrus le fils d’un Perse de condition inférieure à celle des grandes familles mèdes. Eût-il pu dans ce cas, lorsqu’il échappe à la surveillance de son grand-père, convoquer les tribus nobles de la Perse avant de leur avoir fait connaître le motif de leur réunion, et Hérodote ne dit-il pas lui-même que son jeune héros descendait d’Achémènes, l’illustre aïeul des rois du Fars, et qu’il faisait partie de la tribu des Pasargade, «  la plus noble entre les tribus nobles de la Perse» ? Il est probable seulement que la condition de Cambyse, roi à demi barbare d’un petit État fort éloigné de la Médie, parut des plus humbles aux courtisans efféminés d’Astyage.

Que l’on compare la situation du roi de Navarre quand il arriva à Paris à celle du petit prince du Fars, et l’on aura, il me semble, une faible idée de la position effacée de Cambyse à la cour de son suzerain.

Enfin l’image de Cyrus, si je l’interroge et lui demande de trancher le différend de Xénophon et d’Hérodote, ne me répond-elle pas par l’inscription gravée au-dessus de sa tête : «  Moi, Cyrus, roi achéménide » ?

Cyrus était donc Perse de sang royal et descendait d’Achémènes au même titre que Darius.

Dès notre retour au village le tcharvadar bachy demande à nous parler. «  Je pars ce soir avec la caravane, nous dit-il ; je vous laisse deux hommes pour soigner les chevaux de selle et les mulets chargés de votre bagage journalier. Bien qu’il me soit très pénible de me séparer de mes animaux, je suis sans inquiétude sur leur sort, grâce a la présence des toufangtchis préposés à votre garde par le gouverneur de Chiraz. Je vous recommande néanmoins de ne pas abandonner les soldats pendant la traversée des défilés du Polvar, de mettre pied a terre dans les détestables chemins que vous suivrez, de veiller à ne point fatiguer les bêtes, et enfin, a l’arrivée de l’étape, de les faire couvrir de leur bât après leur avoir enlevé vos selles à la farangui.

— Vos animaux seront soignés comme nous-mêmes, je vous le promets solennellement, ai-je répondu. Pouvez-vous en demander davantage ?

— N’y a-t-il point de passage permettant de franchir la montagne sans traverser les défilés de Maderè Soleïman ? demande Marcel à son tour.

— Non, Çaheb ; croyez-vous donc que, si les tcharvadars pouvaient éviter ce chemin, même en faisant un long détour, ils iraient de gaieté de cœur perdre tous les ans des charges et des mulets en parcourant ces passages maudits ? Quand les eaux sont basses, les caravanes suivent les rives du Polvar et franchissent le défilé sans accident ; mais l’hiver il faut se lancer sur un chemin à pic, taillé dans le roc à une époque si reculée que personne ne connaît le nom des dives qui l’ont tracé.

— Si vous vouliez vous diriger vers l’est et marcher vers Kirman, seriez-vous encore dans la nécessité de traverser les passes ? Ne pourriez-vous brusquement vous jeter sur la gauche ?

— Non, certes. Le désert à l’est de Mechlied Mourgab est le plus sec et le plus désolé de l’Iran tout entier, bien riche cependant en mauvaises terres. Aucune caravane n’oserait s’y aventurer.

— Ainsi vous en êtes bien sûr : on ne peut aller de Kirman à Maderè Soleïman sans passer par Darab et le Taklitè Djemchid ?