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La dispute devient bientôt si intéressante, que les marchands de fruits abandonnent leurs étalages et se groupent autour du moine chrétien et des prêtres musulmans. Les Persans, il est intéressant de le constater, traitent en général sans aucune acrimonie des sujets dont la discussion soulève au milieu de nos sociétés civilisées d’inévitables conflits ; plusieurs fois déjà j’ai eu l’occasion de constater cette modération des chiites dans des circonstances où leur fanatisme excessif pouvait faire redouter de bruyants éclats : chacun ici parle à son tour, attaque la thèse de son interlocuteur, parfois avec une grande justesse d’arguments, et toujours avec une parfaite tranquillité d’esprit et de gestes.


Derviches et étudiants


Au moment où nous venons reprendre le Père, la parole appartient à un honnête derviche aux cheveux incultes, que j’ai aperçu tantôt assis sur une de ces grandes jarres à blé qui furent jadis si fatales aux quarante voleurs des Mille et une nuits. Le disciple d’Hafiz est descendu de son trône de terre cuite pour venir, lui aussi, causer dogme et morale. « Il est un peu fou, comme tous ses pareils, m’assure un jeune théologien, qui le considère pourtant avec le respect voué par les Orientaux à ceux qui ont perdu la raison. Il n’était ni gras ni fortuné