Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

regardent franchement, et ses lèvres en souriant découvrent de belles dents blanches. Il parle assez bien le français et n’a eu recours, en causant avec nous, ni à son premier interprète, Saniet Dooulet, ni au docteur Tholozan. Seulement, quand nous ne saisissions pas très vite ses demandes et la signification de ses phrases, d’une construction quelque peu bizarre, ses narines se relevaient avec vivacité et produisaient une contraction des muscles de la face qui lui donnait un aspect félin.

8 juin. — Le roi m’a fait demander de faire la photographie des enfants de sa sœur, ses neveux les plus chéris. Je me suis empressée de me rendre à ses désirs. Ils sont gentils tous deux et représentent bien le type des petits princes persans : il cinq et sept ans, déjà pleins d’orgueil et se mouvant avec cet air solennel qu’affectent les personnages puissants ou les grands seigneurs. La fillette s’appelle Massouine (Sainte) ; elle est vêtue d’une redingote de velours grenat brodé d’or, sa tête est couverte d’un chargat (foulard) de soie verte, une rivière de gros diamants accrochée sur les tempes encadre l’ovale de la figure, trois grosses broches en brillants forment diadème. Les yeux sont entourés d’un large cercle noir, et les

Neveu et nièce du Chah

sourcils, accentués par un trait vigoureux, se réunissent au-dessus du nez et se prolongent jusque sous le chargat. Autour des poignets, la petite princesse porte des perles d’un superbe orient, enfilées sur des cordes de chanvre ; une multitude de bagues parent ses petits doigts effilés. Son frère Houssein est vêtu, comme le chah, d’une koledja de cachemire et d’un pantalon de coutil blanc.

Les enfants ne portent pas ici, de même qu’en Europe, des costumes de forme spéciale : garçons et fillettes sont habillés comme des hommes ou des femmes ; la mode établit seulement quelque distinction entre la coiffure des vieillards et celle des jeunes gens. Dans certaines provinces les gens âgés mettent le turban de préférence au kolah, et en tout lieu se peignent la barbe avec du henné. Cette teinture donne aux poils blancs une couleur rouge du plus singulier effet.

Véramine, 14 juin. — Nous avons renoncé à aller à Damghan, où se trouvent, paraît-il, d’intéressants monuments guiznévides. Les caravanes ont apporté de graves nouvelles : la peste bubonique s’est déclarée du côté de Mechhed et a causé d’épouvantables ravages dans les villages. Forcés d’abandonner notre projet, nous nous sommes dirigés vers le pays de