représentant Nasr ed-din chah à cheval ; au-dessous de ces souvenirs diplomatiques, un nombre égal de pianos permet aux visiteurs d’inonder la salle de flots d’harmonie, s’accordant fort mal avec les sentiments que ces « frères » ont éprouvés les uns pour les autres.
Plusieurs serviteurs entrent en courant dans le salon et annoncent que le chah descend dans le jardin, où il va nous recevoir afin d’ôter à la présentation tout caractère officiel. Après avoir enfoncé solidement nos chapeaux sur nos tètes, dans la crainte de les enlever devant le souverain, ce qui serait de la dernière grossièreté, nous sortons. A l’extrémité d’une allée apparaît Sa Majesté, accompagnée de son premier interprète, qui lit à haute voix un journal français. Ce premier groupe est suivi de quelques serviteurs sans livrée. Le roi a cinquante-trois ans, mais il paraît moins âgé ; ses cheveux, qu’on aperçoit de chaque côté des oreilles, sont noirs et plats, les yeux grands et beaux, le nez crochu, les joues creuses, le teint foncé, la moustache encore bien noire, mais la barbe, très mal faite, est grise ; l’étiquette défendant de raser un chah de Perse avec un rasoir, son barbier se voit obligé de couper tous les poils aux ciseaux, opération longue, ennuyeuse et toujours mal réussie. Le costume de Nasr ed-din est des plus simples. Ue redingote de cachemire de Kirman fermée par des brandebourgs dorés descend jusqu’aux genoux ; les pantalons, de coutil blanc, s’arrêtent à la cheville ; une capote militaire en drap bleu foncé avec passepoil rouge est jetée sur les épaules et maintenue autour du cou sans que les manches soient passées ; le roi porte un simple kolah de drap noir ; une mince cravate de satin bleu de ciel maintient le col de la chemise, de forme européenne ; des escarpins découverts laissent apparaître des chaussettes blanches ; les mains, très petites, sont gantées de coton blanc.
Suivant l’exemple du docteur Tholozan, nous nous sommes rangés sur le bord de l’allée. Quand le roi a été à quelques mètres de distance, chacun de nous s’est incliné et a renouvelé ce salut à deux reprises ; Nasr ed-din s’est alors approché.