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Dans un long papyrus ; informe hiéroglyphe,
Lourd manuscrit de brume humaine submergé,
Hermès avait écrit ce qu’il avait songé.
Un soir Hermès, à l’heure où l’on sent l’être vivre,
Vit passer l’Inconnu qui lisait dans un livre ;
Et l’Ombre s’approcha du blanc magicien,
Prit le livre d’Hermès et lui laissa le sien.
C’est ce livre que l’Inde épèle, et qu’en sa crypte
La bête Sphynx traduit tout bas au monstre Égypte,
Car il est défendu de parler haut ; on sent,
Au silence du monde effrayé ; Dieu présent.


Dieu ! J’ai dit Dieu. Pourquoi ? Qui le voit ? Qui le prouve ?
C’est le vivant qu’on cherche et le cercueil qu’on trouve.
Qui donc peut adorer ? qui donc peut affirmer ?
Dès qu’on croit ouvrir l’être, on le sent se fermer.
Dieu ! cri sans but peut-être, et nom vide et terrible !
Souhait que fait l’esprit devant l’inaccessible !
Invocation vaine aventurée au fond
Du précipice aveugle où nos songes s’en vont !
Mot qui te porte, ô monde, et sur lequel tu vogues !
Nom mis en question dans les lourds dialogues
Du spectre avec le rêve, ô nuit, et des douleurs
Avec l’homme, et de l’astre avec les sombres fleurs
Qu’éveillent sur l’étang les froids rayons lunaires !