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Le Moindre grain de sable est un globe qui roule
Traînant comme la terre une lugubre foule
Qui s’abhorre et s’acharne et s’exècre, et sans fin
Se dévore ; la haine est au fond de la faim.
La sphère imperceptible à la grande est pareille ;
Et le songeur entend, quand, il penche l’oreille,
Une rage tigresse et des cris léonins
Rugir profondément dans ces univers nains.
Toute gueule est un gouffre, et qui mange assassine.
L’animal a sa griffe et l’arbre a sa racine ;
Et la racine affreuse et pareille aux serpents
Fait dans l’obscurité de sombres guet-apens ;
Tout se tient et s’embrasse et s’étreint pour se mordre ;
Un crime universel et monstrueux est l’ordre ;
Tout être boit un sang immense, ruisselant
De la création comme d’un vaste flanc.
On lutte, on frappe, on blesse, on saigne, on souffre, on pleure.
Tout ce que vous voyez est larve ; tout vous leurre,
Et tout rapidement fond dans l’ombre ; car tout
Tremble dans le mystère immense et se dissout ;
La nuit reprend le spectre ainsi que l’eau la neige.
La voix s’éteint avant d’avoir crié : Que sais-je ?
Le printemps, le soleil, les bêtes en chaleur,
Sont une chimérique et monstrueuse fleur ;
À travers son sommeil ce monde effaré souffre ;
Avril n’est que le rêve érotique du gouffre ;