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Que pousse le hasard, tisserand de la nuit !
Connaît-on ce qui sert, et sait-on ce qui nuit ?
Tout germe est un fléau, tout choc est un désastre ;
La comète, brûlot des mondes, détruit l’astre ;
Le même être est victime et bourreau tour à tour,
Et pour le moucheron l’hirondelle est vautour.
Les cailloux sont broyés par la bête de somme,
L’âne paît le chardon, l’homme dévore l’homme,
L’agneau broute la fleur, le loup broute l’agneau,
Sombre chaîne éternelle où l’anneau mord l’anneau !
Et ce qu’on voit n’est rien ; les fils tuant les pères,
Les requins, les Nérons, les Séjans, les viperes,
Cela n’est que peu d’ombre et que peu de terreur ;
L’infiniment petit contient la grande horreur ;
L’atome est un bandit qui dévore l’atome ;
L’araignée a sa toile et le ver son royaume ;
Les fourmilières sont des Babels ; l’animal
En se rapetissant se rapproche du mal ;
Plus la force décroît, plus la bête est difforme ;
Et, quand il les regarde avec son œil énorme,
Homme, les gouttes d’eau font peur à l’océan ;
La rosée en sa perle a Typhon et Satan ;
Ils s’y tordent tous deux à jamais ; l’éphémère
Est Moloch ; l’infusoire, effroyable chimère,
Grince, et si le géant pouvait voir l’embryon,
Le béhémoth fuirait devant le vibrion.