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— C’est énorme et hideux. Ce qui passe
Devant mes yeux me fait trembler. C’est effrayant.
Quand donc serai-je hors de l’ombre ? Et, me voyant,
Il cria : « Que veux-tu de moi ? », passant rapide.
Je regarde, éperdu, la matière stupide.
Homme, écoute : je suis l’oiseau noir que trouva
Démogorgon en Grece et dans l’Inde Shiva
Je contemple l’horreur de la sombre nature.
Homme, quel est le sens de l’affreuse aventure

Qu’on appelle univers ? Je le cherche et j’ai peur.
J’interroge ce bloc qui n’est qu’une vapeur ;
J’observe l’infini monstrueux, et je scrute
La taupe et le soleil, l’homme, l’arbre et la brute.
Je suis triste. Ô passant, comprends-tu ce mot : Rien !
Ce qu’on nomme le mal est peut-être le bien.
Quand un gouffre se comble, un autre puits se creuse.
Tourment, volupté, rire et clameur douloureuse,
Flux et reflux, le juste et l’injuste, le bon,
Le mauvais, blanc et noir, diamant et charbon,
Vrai, faux, pourpre et haillon, le carcan, l’auréole,
Jour et nuit, vie et mort, oui, non ; navette folle