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Oui ; ce cirque et ses tours, édifice sacré Où le drapeau d’azur du gouffre est arboré,

Ce théâtre où le vent combat la trombe enfuie, Voilà ce qu’a construit un atome de pluie. Quel besoin as-tu donc d’un Vishnou, d’un Allah, D’un Bouddha, d’un Ammon cornu, pour tout cela ? Pourquoi sortir du cercle où le réel t’enferme ? À quoi bon détrôner l’élément et le germe ? Pourquoi donc à la chose ôter sa mission ? Pourquoi forcer l’atome à l’abdication ? Pourquoi destituer, homme, le grain de sable ? Quelqu’un qui dise moi t’est-il indispensable ? Tu mets en haut de tout un pronom personnel ! Quelle rage as-tu donc d’un faiseur éternel ? Ne peux-tu faire un pas sans un Très-Haut quelconque ? L’océan se va-t-il ruer hors de sa conque, Tout mordre et tout ronger si ton Zéus n’est là Pour le saisir aux crins et mettre le holà ? Tout n’est-il qu’une grotte à loger ce druide ? Crois-tu que le solide étreindra le fluide, Que la mer manquera d’onde et de gonflement, Que le soleil fuira, s’éteignant et fumant, Que le germe oubliera le secret de la vie, Que la terre prendra la route qui dévie, Ou que la lune va perdre un de ses quartiers, Si tu n’as dans un coin, pilant dans les mortiers, Forgeant, créant, sculptant les os, broyant les poudres, Un fantôme forgé d’étoiles et de foudres ?