Page:Dieu, par Victor Hugo, 1891.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et devant tout ce flot, forcené, bruyant, ivre, Triste, joyeux, confus, violent, inclément, Sourd, ignorant la chute et l’âpre escarpement, Ils contemplaient de loin la mort, sombre barrage. Les autres se tenaient hors du terrestre orage, Comme s’ils. étaient morts, et de l’autre côté ; Ils regardaient, roulant vers eux, l’humanité S’engouffrer sous leurs pieds, race à race engloutie ; De ce faîte, ils étaient présents à la sortie Des empires, des faits, des grands événements, Des prines, de puissance et de guerre écumants,

Et voyaient peuples, rois ; tout ce qu’en la, nuit noire Dégorge le sépulcre ; énorme vomitoire. Ils rayonnaient ; leurs yeux sereins étincelaient ; Ils devenaient eux-même ombre et souffle, et semblaient Au genre humain, perdu dans ses mornes délires, Des fantômes chantants, passant avec des lyres. Quelques-uns, murés, sourds, n’avaient plus de regard Que l’œil intérieur, lumineux et hagard, Et ces hommes sacrés, semblables à des mânes, Hors du monde, habitaient dans l’antre de leurs crânes ; D’autres vivaient aux bois, et leurs esprits songeaient, Et, laissant là leurs corps, éblouis, voyageaient ; Ils erraient d’être en être et du fait à la cause ; Voyaient s’épanouir l’arbre en apothéose ; Ils allaient, pénétrant au-delà du réel, Par la racine au gouffre et par la fleur au ciel, Dans la création entraient le plus possible, Tordaient l’insaisissable avec l’inaccessible, Étudiaient comment se forment les métaux Dans la forge invisible aux ténébreux marteaux, Et la seve, et le feu des volcans, et les haltes