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L’ESPRIT HUMAIN.

Pilotes nubiens qui remontez le Nil ;
Ô prodigieux cerf aux rameaux noirs qui brames
Dans la forêt des djinns, des pandits et des brames ;
Hommes enterrés vifs, songeant dans vos cercueils ;
Ô pâtres accoudés, ô bruyères ; écueils
Où rêve au crépuscule une forme sinistre ;
Pythie assise au front du hideux cap Canistre ;
Angle de la syringe où les songeurs entrés
Distinguent vaguement des satrapes mitrés ;
Vous que la lune enivre et trouble, sélénites ;
Vous, bénitiers sanglants des seules eaux bénites,
Yeux en pleurs des martyrs ; vous, savants indécis ;
Merlin, sous l’escarboucle inexprimable assis ;
Job, qui contemples ; toi, Jérôme, qui médites ;
Est-ce qu’on ne peut pas voir un peu de jour, dites ?

*

On éclata de rire une seconde fois.

*

Et ce rire était plus un rictus qu’une voix ;
Il remua longtemps l’ombre visionnaire
Et, s’évanouissant, roula comme un tonnerre,
De nuage en nuage, au fond du ciel grondant.

Et je restai muet, grave, et me demandant