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Peuples sourds de l’Ohio, du Thibet, du Darfour,
Que l’ombre garde assis dans son noir carrefour.
L’aube, cette blancheur juste, sacrée, intègre,
Qui se fait dans la nuit, se fera dans le nègre.
La Rome du désert naîtra de Tombouctou.
Oh ! pourvu que ce soit en avant, Dieu sait où,
Va, vole ! Je l’ai dit, et je te le répète,
La-bas, où l’on entend sonner de la trompette,
La-bas dans l’inconnu, là-bas dans le réel,
Dans le vrai ; dans le beau, dans le grand, dans le ciel,
Genre humain, genre humain, ouvre tes larges ailes !

En même temps la mort aux splendides prunelles
Pousse vers l’éternelle et suprême clarté
Le monstre, et l’homme au vent du sépulcre emporté,
Troupeau fuyant qu’au bord du gouffre elle dénombre.
L’aurore est un baiser qui veut les fronts de l’ombre.
Tout se meut, se soulève, et s’efforce, et gravit,
Et se hausse, et s’envole, et ressuscite, et vit !
Rien n’est fait pour rester dans l’obscurité sourde.
L’âme en exil devient à chaque instant moins lourde,
Et s’approche du ciel qui vous réclame tous.
D’heure en heure, pour ceux qui se sont faits plis doux,
La peine s’attendrit l’ombre en bonheur se change ;
La bête est commuée en homme, l’homme en ange ;
Par l’expiation, échelle d’équité,
Dont un bout est nuit froide et l’autre bout clarté,
Sans cesse, sous l’azur que la lumière noie,
L’univers Châtiment monte à l’univers Joie.