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Autant qu’Ève au doux front, Léviathan, c’est l’âme.
La noirceur d’aujourd’hui fait la nuit de demain.
Oui, bête, arbre, rocher, broussaille du chemin,
Tout être est un vivant de l’immensité sombre ;
L’homme n’est pas le seul qui soit suivi d’une ombre ;
Tous, même le caillou misérable et honteux,
Ont derrière eux une ombre, une ombre devant eux ;
Tous sont l’âme, qui vit, qui vécut, qui doit vivre,
Qui tombe et s’emprisonne, ou monte et se délivre !.
Tout ce qui rampe expie une chute du ciel.
La pierre est une cave où rêve un criminel,
Prends garde, esprit ! recule au seuil du mal, arrête !
L’arbre t’attend, le roc te guette, esprit ! La bête
Est une chausse-trappe où l’homme peut tomber.
Tremble. Pas d’action qu’on puisse dérober
À Dieu, pour qui dans toi veille ta conscience.
Tout être est responsable ; il croît, décroît, vit, pense,
Condamné par lui-même ou par lui-même absous ;
Tout ce qu’il fait s’en va dans l’espace ; et dessous
Est l’infini, compteur exact, plateau sans bornes ;
Et la chute possible, et les ténèbres mornes
Où serpentent, chassés du vent qui les poursuit,
Les essaims tortueux des mondes de la nuit.
Oui, l’âme dans le mal, hélas, naufrage et sombre.