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Ô dédain de la bête et mépris de la chose !
Double faute de l’homme et son double malheur !
Si pour la vie infime il eût été meilleur,
Au lieu d’écraser tout, s’il eût fait le contraire,
Au lieu d’être bourreau, s’il se fût montré frère,
S’il eût compris l’amas vivant qui remuait,
Et l’être monstrueux, e grand souffrant muet,
L’homme, en butte à cette heure aux aboiements de l’ombre,
Eût été l’aîné roi de la famille sombre.
Cet aveugle serait devenu le voyant.
Il eût vu revenir à lui l’être fuyant.
La vie a son esprit qu’a troublé l’ignorance
Fût apparue avec toute sa transparence,
Et l’homme, sous le marbre ou le bois ou la chair,
De l’âme universelle eût vu le pâle éclair.
En s’inclinant, avec la majesté des prêtres,
Sur ces masques hagards qu’on appelle les êtres,
Calme, il eût relevé le morne abattement
Du monde terrassé qui vit sinistrement.
Sa pitié, s’émiettant aux souffrances farouches,.
Eût fait tourner vers lui toutes ces âpres bouches.
La bête eût accepté l’homme ; le chêne l’eût