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Sonnent lugubrement comme des enchaînés,
Dont chaque branche, hélas ! porte deux condamnés,
Et penche en frissonnant deux spectres sur l’abîme ;
Au soleil, du côté de l’homme, la victime,
Et du côté de Dieu, dans l’ombre, le bourreau !

Ah ! tu te crois divin ! tu places ton zéro
En regard de cet orbe inouï qu’emplit l’onde
De l’océan sagesse et qu’on nomme le monde !
Ah ! géant ! tout savoir, ce n’est pour toi qu’un jeu.
Pourquoi te contenter d’un à peu près de Dieu ?
Pourquoi ne pas tirer l’abîme à clair ? Colosse !
Plus haut qu’Atlas, et plus que les oiseaux véloce !
Pourquoi te contenter de tes religions ?
Lorsque dans l’infini nous nous réfugions,
Pourquoi ne pas nous suivre, âme au cercueil penchante,
Et tout prendre ? Pourquoi, ce que l’abîme chante,
Ne pas le déchiffrer ? tu n’as qu’à le vouloir !
Si tu ne l’entends pas, tu peux du moins le voir,
L’hymne éternel vibrant sous les éternels voiles.
Les constellations sont des gammes d’étoiles ;
Et les vents par moments te chantent des lambeaux
Du chant prodigieux qui remplit les tombeaux.
Allons, fais un effort, esprit plus grand que l’aigle ;
Prends ton échelle, prends ta plume, prends ta règle ;
Toute cette musique à l’ineffable bruit
Est là sur le registre effrayant de la nuit ;
Va, monte ; tu n’as plus qu’à tracer des portées
Sous les septentrions et sous les voies-lactées
Pour lire à l’instant même, au fond des cieux vermeils,
La symphonie écrite en notes de soleils !