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Mais, voyons, raisonnons un peu ; sois économe
D’extase pour toi-même, et regarde-toi.

L’homme,
Titan du relatif et nain de l’absolu,
Se croit astre, et se voit de clarté chevelu ;

Homme, l’orgueil t’enivre ! et c’est un vin de l’ombre.
Redescends ! redescends ! tout à l’heure, âpre et sombre,
L’aigle en rudoyant l’homme avait raison souvent.
Parce que je t’ai dit, moi : c’est bien ! en avant !
Ne t’en va pas cogner les soleils, larve noire !
Épargne à l’infini l’assaut de l’infusoire.
Voyons, qu’es-tu ? peux-tu toi-même t’affirmer ?
À quoi te résous-tu ? douter ? haïr ? aimer ?
Que crois-tu ? Que sais-tu ? Tu n’as dans ta science
Pas même un parti pris d’ombre ou de confiance.
Tu sais au hasard. Lois que ton œil calcula,
Faits, chiffres, procédés, classements, tout cela
Contient-il Dieu ? réponds. Ta science est l’ânesse
Qui va, portant sa charge au moulin de Gonesse,
Sans savoir, en marchant front bas et l’œil troublé,
Si c’est un sac de cendre ou bien un sac de blé.
Que dit l’artiste ému, le prêtre en sa chapelle,
Le vacher retournant le fumier sous sa pelle,
Le pâtre à l’œil vitreux, l’ermite, l’érudit ?
Que dit l’anatomiste au trappiste ? Que dit
Le plongeur du cadavre au mineur du squelette ?
Que dit le médecin au géologue, athlète