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Quoi ! partout, crocs, bouchers, égorgements, tueries !
Quoi ! dans les noirs combats du bœuf des Asturies,
Ivresse populaire et passe-temps royaux,
Le cheval éperdu, marche sur ses boyaux,
Le taureau lui crevant le ventre à coups de cornes !
Quoi ! vous jetez des cœurs sanglants aux coins des bornes,
Les pattes des oiseaux et leur pauvre duvet,
Des entrailles, des yeux, et tout cela vivait !
Les chênes qu’adoraient les fauves troglodytes
Sous la hache à grand bruit tombent c’est ; vous le dites,
De la nature morte et l’on peut la tuer.
Le chien aux coups de fouet a dû s’habituer ;
La bête doit souffrir sous le dieu qui foudroie ;
Tout l’arbre qu’on abat et le pavé qu’on broie,
Tout souffre pour souffrir ! C’est bien ? Iniquité !
De quel droit, moi l’esprit, suis-je dans la clarté ?

Pourquoi faut-il que toi, matière, tu pâtisses !
Quoi ! l’astre et le caillou seraient des injustices !
Une injustice en haut ! une injustice en bas !
Quoi ! le porc dans l’ordure et l’âne sous les bâts,
À jamais ! La souffrance à l’angoisse s’enlace ;
Puis, rien ! quoi, l’homme, roi ! quoi, l’être, populace !
Adam seul serait graine et sa seule âme fleur !
Sabaoth vannerait dans un van de douleur
Le monde, et l’homme seul passerait par le crible !
S’il en était ainsi, tout deviendrait terrible,
L’univers fourmillant de bêtes s’emplirait