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Quoi ! Timour est, Nemrod survit, Caïphe existe ;
Ils souffrent ; mais leur âme est là, blanche et-rêvant,
Qui, prête pour les cieux, frémit dans l’ombre au vent,
Et l’ours et le chacal râlent sans espérance !
Et Dieu voit tout le reste avec indifférence,
Tandis que, regardant fuir Tibère envolé,
Le grand lion rugit sous le ciel étoilé !
Est-ce que cette rosse efflanquée, et qu’on tire
Par la bride au charnier, passe sans te rien dire ?
Pauvre être qui s’en va, ses os trouant sa peau,
Boitant, suivi d’un tas d’enfants, riant troupeau,
Qui viennent lui jeter des pierres et qui chantent !
Est-ce que Montfaucon, ce lieu spectre que hantent
Les noirs Laubardemont, les Maillards, les Vouglans,
Ce sphynx mystérieux des abattoirs sanglants,
Devient soudain pour toi clair comme l’eau de roche,
Parce qu’il démolit sa potence, décroche
L’affreux squelette humain de son fétide étal,
Et se fait, d’étrangleur légal, royal, fatal,
Équarrisseur tuant la brute à tant par tête,
Et, de bourreau de l’homme, assassin de la bête !
Parce qu’il a changé le sang du tablier,
Tout est dit ! Retournez l’effrayant sablier,
.Ou chargez-en le sable, et faites qu’il y tienne
De la cendre animale au lieu de cendre humaine,
Plus d’énigme ! la bête appartient à la mort ;
C’est l’ordre, et tout est bien. Ni doute, ni remord :