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En voyant ce brasier riche, éclatant, joyeux,
Le passant, à travers la vitre illuminée,
S’empourpre ; et, contemplant ta haute cheminée,
Tu ne te doutes pas que, toi-même, tu ris
À la géhenne horrible, et que, rempli de cris,
D’engrenages hideux et de pinces rougies,
Ce beau foyer de pierre, espoir de tes orgies,
Ce réchaud où la mort frémit à pleine voix,
Où les battements d’ailes et les soupirs des bois
S’en vont, chants des vanneaux et baisers des sarcelles,
Dans la fumée affreuse en fauves étincelles,
Cet antre, où l’on entend, quand on vient s’y pencher,
Tous les pétillements du rire et du bûcher,
Où l’oiseau fume, où meurt le nid, où flambe l’orme,
Est un des trous béants de la fournaise énorme !
C’est l’autel vil du ventre et du plaisir charnel ;
Et le fond communique au mystère éternel !
Cours au désert ; la vie est-elle plus joyeuse ?
Que d’effrayants combats dans le creux d’une yeuse
Entre la guêpe tigre et l’abeille du miel !
Va-t’en aux lieux profonds, aux rocs voisins du ciel,
Aux caves des souris, aux ravins à panthères ;
Regarde ce bloc d’ombre et ce tas de mystères ;
Fouille l’air, l’onde, l’herbe ; écoute l’affreux bruit
Des broussailles, le cri des Alpes dans la nuit,
Le hurlement sans nom des jongles tropicales ;
Quelle vaste douleur ! Les hyènes bancales
Rôdent ; sur la perdrix le milan tombe à pic ;
La martre infâme mord le flanc du porc-épic ;
La chèvre, les deux pieds de devant dans la haie,