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Et je tombe indigné, poignardé de mes mains,
« Sanglant ; je suis Socrate, et je bois la ciguë ;
« Je suis Jean Huss, ma chair meurt dans la flamme aiguë ;
« Mais j’ai l’éternité. Je suis l’atome humain,
« Mais l’enfer aujourd’hui promet le ciel demain ;
« Nous luttons, nous râlons, nous gémissons, qu’importe !
« Pas un cri n’est perdu, pas un tourment n’avorte ;
« Le paradis se fait de toutes les douleurs
« Qui deviennent baisers sur le front des meilleurs.
« Le deuil conquiert les cieux comme l’aigle sa proie.
« La racine malheur s’épanouit en joie
« Dans cet Éden sublime où la terre fleurit ;
« Mes maux seront un jour mes biens ; je suis l’esprit.
« Misère, angoisse, pleurs, tout ce que nous saignâmes
« Se retrouve en rayons dans la main de nos âmes ;
« Le tombeau, que la nuit flamboyante bénit,
« Murmure : Ciel ! avec ses lèvres de granit ;
« Là-haut toute souffrance en bonheur est comptée ;
« Dieu, ce soleil qui fait même une ombre à l’athée,
« Serait injuste et faux si c’était autrement.
« Le sépulcre n’est pas une bouche qui ment.
« J’ai la peine d’un jour, mais j’ai l’âme immortelle ! »


Alors, homme, pourquoi la brute souffre-t-elle ?