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— Oui, c’est vrai, l’ombre. — Hélas ! quand donc l’Éden, l’hymen,
L’aube ? ô noirs cauchemars du lourd sommeil humain !
Le crime originel ! l’enfer ! Ève et la pomme !
Lugubres visions ! Hélas ! hélas ! pour l’homme,
Dieu ne se fait sentir que par sa pesanteur.
L’homme s’obstine à voir dans Dieu le tourmenteur,
Le boucher sombre, armant de tenailles tonnerres
Et de pinces éclairs ses poings tortionnaires,
Le tortureur sans frein, sans loi, sans cœur, sans but !
Il rêve dans les cieux l’effrayant Belzébuth !
Il se fait un azur, un mystère, une bible
Qu’emplit une façon d’Être Suprême horrible ;
Les hommes font Dieu sombre !
Oui, quand l’immensité
Germe en religion dans leur cœur agité,
Voilà ce qu’en voyant l’absolu, leurs yeux voient !
Oui, Dieu monstre attisant les mondes qui flamboient !
L’homme voudrait au ciel arracher cet aveu !
Nous ne pouvons parler avec l’homme de Dieu
Sans mâcher quelque idée affreuse de supplice ;
Démons dans le brasier, damnés sous le cilice,
Dieu borné par l’enfer sans :bornes, les pavés
De l’ombre à jamais pleins de pâles réprouvés !
Ceux-là, dans l’infini, comme tombe une pierre,