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La guerre et l’échafaud, ces deux tranchants du glaive,
Vont fauchant l’ignorant, le faible et l’innocent ;
Le fratricide affreux, qui croit le père absent,
Fait peur aux cieux avec le sang qu’on lui voit boire ;
Hélas ! dans la forêt de l’humanité noire,
Un éternel Caïn tue à jamais Abel.
L’homme adore Moloch, Dagon, Teutatès, Bel ;
Et sur les crimes rois les monstres dieux flamboient.
Les vices, meute infâme, autour de l’âme aboient.
Toute l’humanité tinte comme un beffroi.
Partout l’horreur, le râle et le rire, et l’effroi.
Toute bouche est ulcère et tout faîte est cratère.
Un bruit si monstrueux sort de toute la terre
Que la nuit, veuve en deuil, dit au jour qui rougit :
C’est le tigre qui parle ou l’homme qui rugit !
Satan à l’entour vole et plane, oiseau de proie
Des âmes. La douleur formidable est sa joie.

Et plein de feux, de pleurs, de tourments éperdus,
Et de bustes vivants dans les flammes tordus,
Pleins de cris qui s’en vont au bronze de la voûte
Et que la surdité de l’impossible écoute,
Coupole de l’abîme ayant pour pendentifs
D’affreux écroulements d’êtres noirs et plaintifs,
Geôle sans fond, sans jour, sans espoir, sous la foule
Des vivants, sous ce tas de vanité qui roule,
Sous le flot des passants de la vie et du bruit,
Sous le penseur, captif du rêve qu’il construit,
Sous les guerriers casqués et sous les femmes nues,
Sous les larges festins qui chantent jusqu’aux nues,
Sous tout ce qui s’allume et tout e qui s’éteint,