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Vos desseins sont des puits d’iniquité ; vous êtes
Des antres où le vie et le crime ont leurs fêtes ;
Vos maisons et vos seuils et vos toits et vos murs
Portent plus de forfaits qu’un cep de raisins mûrs
Vous incrustez d’or fin vos lits de bois d’érable ;
Vous tordez les haillons du pauvre misérable
Et votre pourpre est faite avec le sang qui sort ;
Vous changez-en hochet le redoutable sort ;

Et vous jouez aux dés, riant, perdant des sommes,
Pendant que «dans sa nuit le destin joue aux hommes ;
Vos villes sont des bois ; on vole, on fraude, on vend ;
L’ignorant est le pain que mange le savant ;
Et l’homme vautour tient l’homme taupe en sa serre,
Et l’ânier Intérêt fouette l’âne Misère ;
Vous souffrez à toute heure et de tous les côtés.
À quoi bon ? étant tous au néant emportés.
Vous pensez. Croyez-vous ? Vos crânes sont des voûtes
Sans lampes, d’où les pleurs suintent à larges gouttes.
Vous priez. Qui ? comment ? pourquoi ? Vous ne savez.
Vous aimez. Ô nuit sombre ! ô cieux en vain rêvés !
Vos sens sont un fumier dont votre amour s’arrange,
Et dans votre baiser le porc se mêle à l’ange.
Et Satan a tant fait que votre abaissement
Est noirceur sur la terre et tache au firmament.