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La durée, ainsi qu’une couleuvre,
Se roule et se déroule autour de lui. Son œuvre,
C’est le monde ; il la fait ; l’œuvre faite, il s’endort.
Alors partout s’épand comme une nuit de mort
Où les créations flottent abandonnées ;
Après avoir dormi des millions d’années,
L’être incommensurable à qui rien n’est pareil,
Dont l’œil en s’entr’ouvrant luit comme le soleil,
Se réveille au milieu d’une extase profonde
Et de son premier souffle il crée un nouveau monde,

Création splendide ; univers lumineux,.
Où l’atome étincelle, où se croisent des feux,
Clair, vivant, traversé par des astres sans nombre,
Qui tourbillonne autour de sa bouche dans l’ombre.
Et puis il se rendort, et ce monde s’en va.
Un monde évanoui, qu’importe à Jéhovah ?
Il est, lui seul existe, et l’homme est un fantôme.
Pas plus que le soleil ne s’occupe du chaume
Après la moisson faite et les épis coupes,
L’être ne prend souci des mondes dissipés.
Il est. Cela suffit. Sa plénitude ignore.
La forme fuit, le son meurt dans l’onde sonore,
Ce qui s’éteint s’éteint, ce qui change,est changé.
Il dit : je suis c’est tout. C’est en bas qu’on dit : j’ai !
L’ombre croit posséder, d’un vain songe animée,
Et tient des biens de endre en des doigts de fumée.
Dieu-n’a rien, étant tout.