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ignorance, homme, est-elle la dîme
Que tu viens prélever, précédé du corbeau,
Sur la science étrange et morne du tombeau,
Brume où se sont perdus tant de mages célèbres ?
T’es-tu penché pour boire a, même les ténèbres ?
Et t’es-tu redressé sur le vide où tu vas,
Recrachant ta gorgée et criant : Dieu n’est pas !
En est-il ainsi, brute ? En ce cas, je m’afflige
De te voir. C’est Dieu seul qui règne et vit, te dis-je,
Et Dieu seul qui survit. Fais-tu le froid, le chaud,
La nuit, l’aube ? Est-ce toi qui fais hurler là-haut
L’orage maniaque, et toi qui le fais taire ?
Es-tu le personnage immense du mystère ?
Prouve-le-moi. Voyons, homme. Quand le torrent,
Cet ouvrier terrible, inquiet, dévorant,
Sciant les rocs, traînant les terres aux campagnes,
Se met à décharner dans l’ombre les montagnes,.
Empêche-le donc ! dis à l’océan à bas !
Est-ce toi qui, prenant les lions, les courbas
Si bien qu’on ne sait plus, dans leurs fuites funèbres,
Si ce sont des lions ou si ce sont des zèbres !
Es-tu de ceux qui vont dans l’inconnu sans-voir,
Qui se heurtent la nuit à l’immense mur noir,
Et qui, battant l’obstacle avec leurs sombres : ailes,
Glissent sans fin le long, des parois éternelles ?
Sors-tu de quelque grotte affreuse, aux âpres flancs,
Où ton œil est resté fixe quatre mille ans,
Comme Satan dans l’ombre où Dieu le fit descendre ?
As-tu l’esprit qu’avait la payenne Cassandre
Lorsqu’elle allait voyant d’avance Ajax brigand,