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Prométhée a voulu sortir de cette nuit,
Éclairer l’homme au fond du mystère introduit ;
Labourer, enseigner, civiliser, et faire
Du globe une vivante et radieuse sphère ;
Tirer du roc sauvage et des halliers épais
Les éblouissements de l’ordre et de la paix,
Défricher la forêt monstrueuse de l’être,
Et faire vivre ceux que le destin fait naître ;
Il a voulu sacrer la terre, ouvrir les yeux,
Mettre le pied de l’homme à l’échelle des cieux,
Soumettre la nature et que l’homme là mène,
Diminuer les dieux de la croissance humaine,
Couvrir les cœurs d’un pan de l’azur étoilé,
Faire du ver rampant jaillir l’esprit ailé,
Tendre une chaîne d’or entre l’arbre et la ville,
Au Tartare à jamais plonger la haine vile,
Lier le mal horrible au chaos épineux,
Et fonder, dans le cœur des hommes lumineux,
Afin que la raison l’achève et le bâtisse,
Un temple ; et remplacer Atlas par la justice.

Les dieux l’ont puni. Seul, vaincu, saignant, amer,
Il est tombé, pleuré des filles de la mer ;
Et moi, j’ai bu le sang de l’enchaîné terrible.