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Germer l’arborescence horrible du destin.
Tout-banquet est suspect ; les dieux sont du festin ;
Atrée offre la coupe aux lèvres de Thyeste ;
Oreste est parricide et Jocaste est inceste ;
Phèdre a peur, Myrrha tremble, et Pasiphaè fuit ;
Hélas !.elles ont bu les philtres de la nuit !
Le sort est un bandit ; la vie est une folle.
Le glaive naît du glaive. Agamemnon immole
Sa fille, et Clytemnestre, immole Agamemnon.
— Justice ; crie Ajax, es-tu ? — La Mort dit : Non.
Médée est ivre et rit. Oh ! comme vous pleurâtes,
Cassandre, dans l’horreur des ombres scélérates !
Quoique innocents, il vont comme des criminels.
Autour d’eux à jamais se dressent éternels

Le remords, le bois triste où l’on entend des râles,
Le meurtre ; et l’entourage, affreux des spectres pâles.
Apollon forcené se jette, sombre amant,
Sur Daphné ; c’est Daphné qu’atteint le châtiment.
Thémis aveugle tient la balance incertaine.
Tout est dragon, serpent, hydre, polype, antenne,
Griffe, ongle, serre ; et l’homme est pris dans les anneaux
De Géo, de Typhon, d’Éole et d’Ouranos.
Tous les arbres de l’ombre ont de fatales pommes.
Il suffit de passer dans le taillis des hommes
Pour secouer la branche exécrable des maux.
Le crime et l’équité sont deux néants jumeaux
Que dans le même abîme emporte la même aile.
Sans voir, sans regarder, sans choisir, pêle-mêle,
Le dieu d’en bas, l’inepte et ténébreux Hadès
Jette vieillards, enfants, guerriers, rois sous le dais,
À l’égout Styx, où pleut l’éternelle immondice ;
Sourd ; même pour Orphée, il lui prend Eurydice.