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Et cherchant les lieux sourds, les rocs inabordables,
Échevelés, pâmés, amoureux, formidables,
Ivres, l’un qui s’échappe et l’autre qui poursuit,
Dansent dans l’impudeur farouche de :la nuit !

Au faîte de l’orgie et dans le bruit des coupes,
La géante qui plonge aux flots ses larges croupes,
Dont chaque mouvement pour l’homme est un fléau,
Le monstre aux millions de visages, Géo,
Sur des Alpes couchée et montagne comme elles,
Prodigue ses amours, ses lèvres, ses mamelles,
Et, s’ouvrant sans relâche aux longs embrassements,
Engouffre en ses flancs noirs tout un monde d’amants,
Le devin, le rôdeur, des monts, l’homme de l’antre,
Épicure, l’esprit, et Silène, le ventre,
Le rayon, le fumier, et tout l’impur troupeau
Des êtres vils ayant des toisons sur la peau,
L’ours, l’hyène et le tigre et la louve échauffée,
Et derrière ce groupe affreux, le pâle Orphée !
Elle se donne à tous ensemble, et, tour à tour,
Les fait rugir de haine et se tordre d’amour,
Les étreint, les ravit, les baise et les dévore.
À ses cils ténébreux elle mêle l’aurore.
L’homme la voit qui guette au milieu des roseaux.
Laissant ses cheveux d’herbe ondoyer dans les eaux.
Elle chante, appuyant à sa hanche écaillée
Ses coudes de branchage et ses mains de feuillée :
— Viens ! je suis la Nature ! — Et, charmés, palpitants,
Vaincus, de tous les points du monde en même temps,
Les bergers, les songeurs, les voyants, les colosses,
Les mornes dieux de l’Inde aux têtes de molosses,