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Jamais de trêve. Ils sont ; et rien n’existe qu’eux.
Les éléments sont-pleins de leurs cris belliqueux.
Et partout où l’on pleure et partout où l’on chante,
Dans l’homme, dans le vent, dans la ronce méchante,
Dans la bête des bois et dans les cieux émus,
L’ombre hurle Arimane et le jour dit Ormus !

Et dans les profondeurs cette lutte s’étale ;
Et l’oscillation est heureuse ou fatale,
Et le large roulis nous bere, ou son reflux
N’emporte que clameurs et sanglots superflus,
Et le boa s’enroule au tronc du sycomore,
Jérusalem voit naître à son côté Gomorrhe,
Thèbes lègue un linceul de sables à Memphis,
Nemrod luit, Marc-Aurèle a Commode pour fils,
Ou l’océan sourit, et l’abîme et l’étoile
S’entendent pour sauver une petite voile,
Le bois chante ; les nids palpitent, les oiseaux
Réjouissent les fleurs en buvant aux ruisseaux,
La mère, en qui l’orgueil à l’extase se mêle,
Emplit d’elle l’enfant qui presse sa mamelle,
Et l’homme semble un dieu de sagesse vêtu,
Et tout grandit en grâce, en puissance, en vertu,
Ou dans le flot du mal tout naufrage et tout sombre,
Selon que le hasard, roi de la lutte sombre,
Précipite Arimane ou voile Ormus terni,
Et fait pencher, au fond du livide infini,
L’un ou l’autre plateau de la balance énorme.
Arimane aux yeux d’ombre attend qu’Ormus s’endorme ;