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Savoir, c’est ignorer. Isis au bandeau triple
À la surdité morne et froide pour disciple.
Ne pas vouloir est bien, ne pas pouvoir est mieux.
Porte envie à l’aveugle, et n’ouvre pas les yeux.
Tais-toi ! tais-toi ! S’il est quelques bouches frivoles
Qui parlent, ô vivant, sache que les paroles
Troublent l’énormité menaçante des cieux.
Le muet est plus saint que le silencieux.

Oui, se murer l’oreille avec, le mur silence ;
Ne jeter aucun poids dans aucune balance ;
Ne pas toucher aux plis lugubres du rideau ;

Oui, garder le bâillon, oui, garder le bandeau ;
Végéter sans vouloir, sans tenter, sans atteindre ;
Laisser les yeux se clore et les soleils s’éteindre ;
Telle est la loi.

Pourtant je veux ; mais je ne puis.
— Cherche, m’a dit Hermès. Je n’ai rien vu depuis.

Nuée en bas, nuée en haut, nuée au centre ;
Nuit et nuit ; rien devant, rien derrière ; rien entre.
Par moments, des essaims d’atomes vains et fous
Qui flottent ; ce-qu’on voit de plus réel, c’est vous,
Mort, tombe, obscurité des blêmes sépultures,
Cimetières, de Dieu ténébreuses cultures.
Mais pourquoi donc ce mot me revient-il toujours ?
Est-ce qu’il est l’écho de ces grands porches sourds ?