Et parfois j’aperçois, même au delà du rêve,
Dans des fonds ou mes yeux n’étaient jamais venus,
Des levers effrayants de mondes inconnus.
Oh ! pourquoi ces chaos, si tout vient d’un génie ?
Oh ! si c’est le néant, pourquoi cette harmonie ?
Est-il, Lui ? L’univers m’apparaît tour à tour
Convulsion, puis ordre ; obscurité, puis jour.
S’Il est, pourquoi sent-on le froid de la couleuvre ?
S’Il est, d’où vient qu’un ver ronge toute son œuvre,
La mère dans l’enfant, la fleur dans son pistil ?
Et pourquoi souffre-t-on ? Et pourquoi permet-il
La Douleur, cette immense et sombre calomnie ?
Qu’est-ce que fait le mal dans l’univers ? il nie.
Il dit : — vous rêvez Dieu quand c’est moi qui vous suis.
La preuve qu’il n’est pas, vivants, c’est que je suis.
Est-ce mauvais ou bon ? est-ce splendide ou triste ?
Tout cela suffit-il pour prouver qu’Il existe ?
Et qu’il est quelque part un Auteur, un Voyant,
Un être épouvantable ou secourable, ayant
La distance du mal au bien pour envergure ?
Esprit fait monde avec l’abîme pour figure !
Grand inconnu tenant la pensée en arrêt !
Mais qui nous dit que l’ombre est ce qu’elle paraît ?
Est-elle unité sombre ? est-elle foule horrible ?
Ne voit-on de clarté que par les trous d’un crible ?
Cela roule ; sur qui ? Cela tourne ; sur quoi ?
Page:Dieu, par Victor Hugo, 1891.djvu/109
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