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L’homme sent la terreur lui glacer les vertèbres
Quand d’en bas il entend leur pas mystérieux.
Il dit. : — Comme l’orage est profond dans les cieux !
Comme les vents d’ouest soufflent là-bas au large !
Comme les bâtiments doivent jeter leur charge,
Et comme-l’océan doit être affreux a voir !
Comme il pleut cette nuit ! comme il tonne ce soir !
Ô vivants, fils du temps, de l’espace-et du nombre,
Ce sont les noirs chevaux du chariot de l’ombre.

Écoutez-les passer. L’ouragan tortueux,
La foudre, tout ce bruit difforme et monstrueux
Des souffles dans les monts, des vagues sur la plage,
Sont les hennissements du farouche attelage.

Cette création est toujours en travail ;
L’astre refait son or, et l’aube son émail,
La nuit détruit le jour, l’onde détruit la digue,
Incessamment, sans fin, sans repos, sans fatigue.
Sans cesse les noirceurs, les germes, les clartés,
Les croisements d’éclairs dans les immensités,
Les effluves, les feux, les métaux, les mercures,
Les déluges profonds, ablutions obscures,
Font des enfantements dans la destruction ;
La matière est pensée et l’idée action ;
On naît, on se féconde, on vit, on meurt, sans trêve ;