Page:Dieu, par Victor Hugo, 1891.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

Une clarté, reflet du visage invisible ;
Elle éclairait la brume où nous nus abîmons ;
Tout le bloc frissonnant des êtres ; arbres, monts,
Ailes, regards, rameaux, était penché sur elle ;
Et, jetant des éclairs soudains, surnaturelle,
Cette lueur sans fond, qu’on n’osait approcher,
Épouvantait parfois le chêne et le rocher
Même le plus terrible et le plus intrépide.
Comme c’est-immobile, et comme c’est rapide !
Comme cela s’échappe à de certains moments !
Comme l’abîme fait d’étranges mouvements !
Oh ! j’ai beau vouloir fuir, et fuir, et fuir encore !
La contemplation du gouffre me dévore.
Oui, je te l’ai dit, oui, sur la sombre hauteur,
Je vois le monde !

Aimants, fluides, pesanteur,
Axes, pôles, chaleur, gaz, rayons, feu sublime,
Toutes les forces sont les chevaux de l’abîme ;
Chevaux prodigieux dont le pied toujours fuit,
Et qui tirent le monde à travers l’âpre nuit ;
Et jamais de sommeil à leur fauve prunelle,
Et jamais d’écurie à leur course éternelle !
Ils vont, ils vont, ils vont, fatals alérions,
Franchissant les zéniths et les septentrions ;
Traînant-tous les soleils dans toutes, les ténèbres,