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Balance l’océan dans l’affreux crépuscule ;
Et la création n’est qu’un noir tremblement.
On ne sait quelle vie émeut lugubrement
L’homme, l’esquif, le mât, l’onde, l’écueil, le havre ;
Et la lune répand sa lueur de cadavre.

Je cherche, un soupirail. Quel sens peut donc avoir
Ce monde aveugle et sourd, cet édifice noir,
Cette création ténébreuse et cloîtrée,
Sans fenêtre, sans toit, sans porte, sans entrée,
Sans issue, ô terreur ! par moment des blancheurs
Passent ; on aperçoit vaguement des chercheurs,
Sans savoir si ce sont réellement des êtres,
Et si tous ces sondeurs du gouffre, mages, prêtres,
Eux-mêmes ne sont pas de l’ombre à qui les vents
Donnent dans le brouillard des formes de vivants ;
On voit les grands fronts blancs d’Égypte et de Chaldée ;
Et, comme les forçats immenses de l’idée,
On voit passer au loin les esprits hasardeux
Traînant la pesanteur des problèmes hideux,
Savants, prophètes, djinns, démons, devins, poètes ;
Et l’abîme leur dit : qu’êtes-vous, si vous êtes ?

Quel est cet univers ? et quel en est l’aïeul ?
Ce qu’on prend pour un ciel est peut-être un linceul.
Qui peut dire où l’on vogue et qui sait où l’on erré ?