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Alors, moi, le veilleur solitaire et banni,
Je tressaille ; un rayon sort de la plénitude,
Et la création, difforme multitude,
M’apparaît ; et j’entends des bruits, des pas, des voix
Et, dans une clarté de vision, je vois
Ce livide univers, vaste danse macabre,
Où l’astre tourbillonne, où la vague se cabre,
Où tout s’enfuit ! Je vois les sépulcres, les nids,
Le hallier, la montagne, et les rudes granits,
Du vieux squelette monde informes ankyloses,
La plaine vague ouvrant ses pâles fleurs écloses,
Les flots démesurés poussant de longs abois,
Et les gestes hideux des arbres dans les bois.
Et d’en bas il m’arrive une musique, obscure,
L’hymne qu’après Hermès entendit Épicure ;
Tout vibre, et tout devient instrument ; le désert
Chante, et la forêt donne au farouche concert
Son branchage sonore et triste, et le navire
Son gréement, dont le vent fait une sombre lyre.
Tout se transforme et court dans le brouillard trompèur ;
Les morts et les vivants qui sont une vapeur,
Se mêlent ; le volcan, crête et bouche enflammée,
Vomit un long siphon de cendre et de fumée ;
L’air se tord, sans qu’on sache où l’aquilon conduit
Les miasmes pervers et traîtres de la nuit ;

La marée, immuable et hurlante bascule,