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c’est le monde, et le monde est mon trou.
Triste, je rêve au creux de l’univers ; et l’ombre
Agite sur mon front son grand branchage sombre.

Je regarde le vide et l’éther fixement,
Et l’ouragan, et l’air, et le sourd firmament,
Et les contorsions sinistres des nuées.
Mes paupières se sont au gouffre habituées.
Toute l’obscurité du ciel vertigineux
Entre en mon crâne, et tient dans mon œil lumineux.
Je sens frémir sur moi le bord vague du cercle ;
L’urne Peut-être ayant l’infini pour couvercle !
J’ai pour spectacle, au fond de ces limbes hagards,
Pour but à mon esprit, pour but à mes regards,
Pour méditation, pour raison, pour démence,
Le cratère inouï de la noirceur immense ;
Et je suis devenu, n’ayant ni jour ni bruit,
Une espèce de vase horrible de la nuit,
Qu’emplissent lentement la chimère, le rêve,
Les aspects ténébreux, la profondeur sans grève,
Et, sur le seuil du vide aux vagues entonnoirs,
L’âpre frémissement des escarpements noirs.
Homme, il se fait parfois dans cette léthargie,
Dans cette épaisseur triste à jamais élargie,
Comme une déchirure au vent de l’infini.