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Une sorte de front vaste et mystérieux
Se meuve vaguement au plus obscur des cieux ;
Et Dieu, s’il est un Dieu, fit à sa ressemblance
L’universelle nuit et l’éternel silence.

Moi, j’attends. Qui va naître ? Est-ce l’aube, ou le soir ?

Un de mes yeux est foi ; mais l’autre est désespoir.
J’examine et je plane. Ô brumes éternelles !
La nuit rit du regard, l’infini rit des ailes.
Tout devant moi se perd, se mêle et se confond.
Je tâche de saisir, là-bas, dans le profond,
Un moment de clarté, d’oubli, de transparence,
Ou d’entrevoir du moins le cadavre Espérance,
Afin de pouvoir dire au monde épouvanté :
C’est un tombeau ! Le fond, le fait, la vérité,
Le réel, quel qu’il soit, vide ou source féconde,
Voilà ce qu’il me faut, voilà ce que je sonde.
Je suis le regardeur formidable du puits ;
Je suis celui qui veut savoir pourquoi ; je suis.
L’œil que le torturé dans la torture entr’ouvre ;
Je suis, si par hasard dans le deuil qui le couvre,
Ce monde est le jouet de quelque infâme esprit,
La curiosité de ceux dont on se rit ;
Devant l’âme de tout, hélas, peut-être absente,
Je suis l’Anxiété lugubre et grandissante ;
Et je serais géant, si je n’étais hibou.
L’abîme,