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62 LES AMANTS

TROP LOIN

Mon âme est un pays plus lointain que la Chine,
Ma chère! Et c’est en vain que vers moi méchamment
Tu tournes tes yeux froids pour y lire un tourment.
O femme! trois fois femme! ô cruelle machine!
Rallume-les, tes yeux, à ceux d’un autre amant!
Mais n’espère jamais que cet éclair m’émeuve!
Si tu veux voir saigner mon cœur, tu perds ton temps.
Ton manège est trop vieux, ta ruse n’est pas neuve,
Et c’est la loi banale, et je n’ai plus vingt ans.
Ton regard glisse en vain par-dessus ton échine.
Mon âme est un pays plus ancien que la Chine,
Mille fois plus peuplé de jaloux habitants
Qui dans un fleuve jaune, en éclatant de rire,
Jettent leurs nouveau-nés, comme on dit des Chinois.
Trop de monstres caducs grincent dans cet empire.
Ma chère! Et je souris de voir tes yeux sournois
Comme des fers aigus dardés vers ma poitrine.
Mon âme est un pays muré comme la Chine!