Page:Diderot - Oeuvres completes, Garnier, T13-14.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124 NOTICE PRÉLIMINAIRE.

« Français, tâchez dorénavant d’entendre mieux vos intérêts[1]. »

Ce fut pendant l’impression de ces derniers volumes que Diderot, ayant à rechercher quelque chose dans un de ses articles, s’aperçut que l’imprimeur Le Breton avait été, dans sa peur d’être inquiété, beaucoup plus loin qu’il n’était permis. Il s’était érigé de lui-même en censeur avait supprimé certains passages et modifié plusieurs autres à sa fantaisie, et cela après le bon à tirer de Diderot. Ce fut pour celui-ci une grande déception et l’occasion d’une violente colère. Grimm l’a racontée et nous a conservé la lettre que Diderot écrivit alors à Le Breton. On la trouvera dans la Correspondance ; nous n’en parlons ici que pour rappeler que Mme de Vandeul raconte que son père fit rétablir les passages mutilés sur un exemplaire qui serait actuellement à Saint-Pétersbourg. Grimm ne parle pas de cette réparation, qui, d’après le tableau qu’il fait de l’étendue du désastre, n’était possible que par une réimpression totale. Or, cette réimpression n’a pu matériellement être faite. Si Diderot a exigé quelques cartons pour ses articles de philosophie, Naigeon a dû en avoir connaissance ; c’est ce qui explique peut-être les différences qu’on remarque entre l’édition qu’il a donnée de ces articles et leur rédaction dans l’ Encyclopédie. M. Godard, pendant son séjour en Russie, n’a point dirigé ses recherches de ce côté ; nous le regrettons, mais nous ne pensons pas qu’il ait pu trouver, d’abord l’exemplaire cartonné, et ensuite, dans la confrontation de cet exemplaire avec ceux qui ne le sont pas, une rémunération satisfaisante de ses peines.

Ce qui est sûr, c’est que, quoique Diderot ait continué à diriger l’impression des six derniers volumes de planches de l’ Encyclopédie, jusqu’en 1772, et qu’il ait même écrit pour les libraires, en 1767, la Lettre sur le commerce de la librairie, il ne cessa de se plaindre de leur manière d’agir avec lui. Il fut même assez imprudent pour donner par ses plaintes répétées un prétexte à Luneau de Boisjermain pour attaquer lesdits libraires en restitution de souscriptions indûment perçues et frauduleusement exagérées. Luneau s’appuya sur le témoignage de Diderot. Il en résulta pour celui-ci une situation fort désagréable dont il crut sortir par une lettre adressée à Le Breton et Briasson. Il les défendit, mais il le fit d’une si singulière façon, avec tant de hauteur, qu’on sent bien qu’il lui restait un grand fond de rancune à leur égard et qu’on ne s’explique pas que Luneau ait pris texte de cette lettre pour ne plus garder avec lui aucune mesure.

  1. Ce récit doit être considéré plutôt comme un apologue que comme l’expression de la réalité. Mme de Pompadour était morte quand parurent les dix derniers volumes dans lesquels se trouve l’article poudre. Cependant il est certain qu’elle employa son influence pour soutenir la publication.