Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LUI. — Il est vrai ; mais tous les gueux se réconcilient à la gamelle. Ce maudit Observateur littéraire, que le diable l’eût emporté lui et ses feuilles ! C’est ce chien de petit prêtre avare, puant et usurier, qui est la cause de mon désastre. Il parut sur notre horizon hier pour la première fois ; il arriva à l’heure qui nous chasse tous de nos repaires, l’heure du dîner. Quand il fait mauvais temps, heureux celui d’entre nous qui a la pièce de vingt-quatre sols dans sa poche ! Tel s’est moqué de son confrère qui était arrivé le matin crotté jusqu’à l’échine et mouillé jusqu’aux os, qui le soir rentre chez lui dans le même état. Il y en eut un, je ne sais plus lequel, qui eut, il y a quelques mois, un démêlé violent avec le Savoyard qui s’est établi à notre porte ; ils étaient en compte courant : le créancier voulait que son débiteur se liquidât, et celui-ci n’était pas en fonds. On sert, on fait les honneurs de la table à l’abbé, on le place au haut bout. J’entre ; je l’aperçois. « Comment, l’abbé, lui dis-je, vous présidez ? voilà qui est fort bien pour aujourd’hui ; mais demain vous descendrez, s’il vous plaît, d’une assiette, après demain, d’une autre assiette, et ainsi d’assiette en assiette, soit