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le vice se montre à masque levé, on apprend à les connaître ; et puis j’ai un peu lu.

MOI. — Qu’avez-vous lu ?

LUI. — J’ai lu et je lis et relis sans cesse Théophraste, La Bruyère et Molière.

MOI. — Ce sont d’excellents livres.

LUI. — Ils sont bien meilleurs qu’on ne pense ; mais qui est-ce qui sait les lire ?

MOI. — Tout le monde, selon la mesure de son esprit.

LUI. — Presque personne. Pourriez-vous me dire ce qu’on y cherche ?

MOI. — L’amusement et l’instruction.

LUI. — Mais quelle instruction ? car c’est là le point.

MOI. — La connaissance de ses devoirs, l’amour de la vertu, la haine du vice.

LUI. — Moi j’y recueille tout ce qu’il faut faire et tout ce qu’il ne faut pas dire. Ainsi quand je lis l’Avare, je me dis : sois avare si tu veux, mais garde-toi de parler comme l’Avare. Quand je lis le Tartufe, je me dis : sois hypocrite si tu veux, mais ne parle pas comme l’hypocrite. Garde tes vices qui te sont utiles, mais n’en aie ni le ton ni les apparences, qui te rendraient