Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

beau bruit dans la ménagerie. Jamais on ne vit tant de bêtes tristes, acariâtres, malfaisantes, courroucées. On n’entend que les noms de Buffon, de Duclos, de Montesquieu, de Rousseau, de Voltaire, de d’Alembert, de Diderot. Et Dieu sait de quelles épithètes ils sont accompagnés ! Nul n’aura de l’esprit s’il n’est aussi sot que nous. C’est là que le plan de la comédie des Philosophes a été conçu : la scène du colporteur, c’est moi qui l’ai fournie, d’après la Théologie en quenouille ; vous n’êtes pas épargné là plus qu’un autre.

MOI. — Tant mieux ! peut-être me fait-on plus d’honneur que je n’en mérite. Je serais humilié si ceux qui disent du mal de tant d’habiles et honnêtes gens s’avisaient de dire du bien de moi.

LUI. — Nous sommes beaucoup, et il faut que chacun paye son écot ; après le sacrifice des grands animaux, nous immolons les autres.

MOI. — Insulter la science et la vertu pour vivre, voilà du pain bien cher !

LUI. — Je vous l’ai déjà dit, nous sommes sans conséquence ; nous injurions tout le monde, et nous n’affligeons personne. Nous avons quelquefois le pesant abbé d’Olivet, le gros abbé le Blanc,