Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cela est beau, délicat, bien dit, finement vu, singulièrement senti ! Où les femmes prennent-elles cela ? Sans étude, par la seule force de l’instinct, par la seule lumière naturelle ! cela tient du prodige. Et puis, qu’on vienne nous dire que l’expérience, l’étude, la réflexion, l’éducation y font quelque chose !… » Et autres pareilles sottises, et pleurer de joie ; dix fois la journée se courber, un genou fléchi en devant, l’autre jambe tirée en arrière, les bras étendus vers la déesse, chercher son désir dans ses yeux, rester suspendu à sa lèvre, attendre son ordre, et partir comme un éclair. Qui est-ce qui veut s’assujettir à un rôle pareil, si ce n’est le misérable qui trouve là, deux ou trois fois la semaine, de quoi calmer la tribulation de ses intestins ? Que penser des autres, tels que le Palissot, le Fréron, le Mallet, le Baculard, qui ont quelque chose, et dont les bassesses ne peuvent s’excuser par le borborygme d’un estomac qui souffre ?

MOI. — Je ne vous aurais jamais cru si difficile.

LUI. — Je ne le suis pas. Au commencement je voyais faire les autres, et je faisais comme eux, même un peu mieux, parce que je suis plus