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nez, et il la recevra avec douceur. Voulez-vous lui faire baisser le ton ? élevez-le, montrez-lui votre canne, et appliquez votre pied entre ses fesses. Tout étonné de se trouver un lâche, il vous demandera qui est-ce qui vous l’a appris, d’où vous le savez ? lui-même l’ignorait le moment précédent ; une longue et habituelle singerie de bravoure lui en avait imposé, il avait tant fait les mines, qu’il croyait la chose. Et cette femme qui se mortifie, qui visite les prisons, qui assiste à toutes les assemblées de charité, qui marche les yeux baissés, qui n’oserait regarder un homme en face, sans cesse en garde contre la séduction de ses sens ; tout cela empêche-t-il que son cœur ne brûle, que des soupirs ne lui échappent, que son tempérament ne s’allume, que les désirs ne l’obsèdent, et que son imagination ne lui retrace, la nuit ?… Alors que devient-elle ? qu’en pense sa femme de chambre, lorsqu’elle se lève en chemise et qu’elle vole au secours de sa maîtresse qui se meurt ? Justine, allez vous recoucher ; ce n’est pas vous que votre maîtresse appelle dans son délire. Et l’ami Rameau, s’il se mettait un jour à marquer du mépris pour la fortune, les femmes, la bonne chère, l’oisiveté, à catoniser,