Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

possibles, par la table, par le jeu, par le vin, par les femmes.

MOI. — Mais j’ai peur que vous ne deveniez jamais riche.

LUI. — Moi, j’en ai le soupçon.

MOI. — Mais s’il en arrivait autrement, que feriez-vous ?

LUI. — Je ferais comme tous les gens revêtus ; je serais le plus insolent maroufle qu’on eût encore vu. C’est alors que je me rappellerais tout ce qu’ils m’ont fait souffrir, et je leur rendrais bien les avances qu’ils m’ont faites. J’aime à commander, et je commanderai. J’aime qu’on me loue, et on me louera. J’aurai à mes gages toute la troupe des flatteurs, des bouffons et des parasites, et je leur dirai, comme on me l’a dit : « Allons, faquins, qu’on m’amuse, » et l’on m’amusera ; « qu’on me déchire les honnêtes gens, » et on les déchirera, si on en trouve encore. Et puis nous aurons des filles ; nous nous tutoierons quand nous serons ivres ; nous nous enivrerons, nous ferons des contes, nous aurons toutes sortes de travers et de vices ; cela sera délicieux. Nous prouverons que Voltaire est sans génie ; que Buffon, toujours guindé sur ses échasses, n’est