Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

entortillage, c’est qu’il y a peu de métiers honnêtement exercés, ou peu d’honnêtes gens dans leurs métiers.

LUI. — Bon ! il n’y en a point ; mais en revanche il y a peu de fripons hors de leur boutique : et tout irait bien sans un certain nombre de gens qu’on appelle assidus, exacts, remplissant rigoureusement leur devoir, stricts, ou, ce qui revient au même, toujours dans leur boutique, et faisant leur métier depuis le matin jusqu’au soir, et ne faisant que cela. Aussi sont-ils les seuls qui deviennent opulents et qui soient estimés.

MOI. — À force d’idiotismes ?

LUI. — C’est cela ; je vois que vous m’avez compris. Or donc, un idiotisme de presque tous les états, car il y en a de communs à tous les pays, à tous les temps, comme il y a des sottises communes ; un idiotisme commun est de se procurer le plus de pratiques que l’on peut ; une sottise commune est de croire que le plus habile est celui qui en a le plus. Voilà deux exceptions à la conscience générale, auxquelles il faut se plier. C’est une espèce de crédit ; ce n’est rien en soi, mais cela vaut par l’opinion.